La pratique du jeûne - Capucins de Morgon

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La pratique du jeûne

Publié le 10/11/2025

N°19 - Mars 2008

Chers voisins et amis

 

La pratique du jeûne

 

       Voilà deux heures et demi que la cloche n'a pas sonné, le dernier coup ayant retenti à neuf heures ; ce qui remonte au n° 16 des « Cloches messagères ». La sonnerie annonçait l'office de tierce. Cette fois-ci, elle nous convie à deux offices qui se suivent : sexte et none. Ces noms d'origine latine indiquent qu'on les récitait, le premier à la sixième heure (midi), et le second à la neuvième heure (15 heures). Ces deux offices sont sur le même modèle que tierce.

       Dans la foulée, (à midi) a lieu la sonnerie de l'Angélus, dont nous avons déjà parlé (cf n° 8) suivi du repas. Le moment est venu d'aborder la pratique du jeûne (déjà mentionnée au n° 12). Qu'est-ce que c'est ? D'où vient-il ? Quel en est le but ? A quels moments jeûne-t-on ? Autant de questions auxquelles il nous faut répondre maintenant.

       Que veut dire « jeûner » ? Le jeûne consiste à ne prendre qu'un seul repas dans la journée. Dans l'antiquité chrétienne, on le prenait le soir. Petit à petit il a été avancé à midi. Actuellement, on peut, en plus, prendre une tranche de pain le matin et une assiette de soupe le soir.

       Mais d'où vient le jeûne ? Il s'enracine dans une tradition bien antérieure à l'Eglise. Il était pratiqué chez les juifs dans toute la phase qui a préparé la venue de Jésus-Christ (ou : « Ancien Testament » ; cf n° 6). Il est souvent mentionné dans la Bible, et est toujours accompagné des signes d'une pénitence générale (privation de bain et d'onction, continence ; parfois cendre répandue sur la tête). Les prophètes rappellent que tout cela n'a de sens que si on recherche en même temps à mieux respecter la loi de Dieu. On jeûnait à la fête de l'Expiation. Parfois, c'est à l'occasion d'un deuil, comme à la mort de Saül et de Jonathan, du temps de David. D'autres fois c'est pour écarter un châtiment divin, après une faute commise ; ainsi fera le roi Achab », qui avait fait mourir l'innocent Naboth pour s'emparer de sa vigne. Ou encore après une défaite militaire, comme lorsque Samuel prescrivit un jeûne pour échapper à l'oppression des Philistins.

       Dans beaucoup de religions païennes antiques, le jeûne était pratiqué. Ainsi en Egypte et à Babylone. pour l'expiation des péchés. Il sert aussi de préparation à certaines pratiques superstitieuses, dans le culte de Mithra et celui d'Eleusis.

       Enfin, dans l'Eglise, le jeûne remonte aux origines, puisque Jésus-Christ lui-même a jeûné. Un document du Ier siècle (la Didaché) témoigne que les premiers chrétiens jeûnaient le mercredi (en souvenir de la trahison de Judas) et le vendredi (en mémoire de la mort du Seigneur).

       Quel est le but du jeûne ? A quoi sert-il ? La raison principale apparaît dans le tableau historique qui vient d'être brossé : partout il est pratiqué pour expier les péchés, purifier l'âme avant d'accomplir un acte religieux. Ce n'est donc pas par mépris du corps, comme pour les manichéens, qui enseignaient que la matière est mauvaise en elle-même ; celle-ci au contraire ne peut être que bonne puisque créée par Celui « qui a fait le ciel et la terre » (psaume 123, 8) « Dieu vit tout ce qu'il avait fait, et voici que cela était très bon » (Genèse 1, 31). Ce n'est donc pas la matière qui est mauvaise, mais l'abus que nous en faisons. De même que le vin est bon, mais peut devenir mauvais si on en boit avec excès. La pénitence rétablit l'ordre entre Dieu et nous, et l'harmonie en nous-mêmes en modérant la convoitise.

       On trouve ainsi dans la pratique du jeûne ce gros avantage : une plus facile domination sur le corps, repoussant l'esclavage des passions. C'est ce qu'expérimentent les sportifs. Ils s'imposent un régime physique et alimentaire pour être performants lors de leurs prouesses. Dans le choix de leur nourriture et dans la quantité, ils se guident par la raison plus que par leurs envies, soutenus en cela par leur idéal.

       A quelles périodes s'étend le jeûne ? Le premier temps de jeûne commence le 2 novembre et dure jusqu'à Noël ; il est une préparation à cette fête de la naissance de Jésus-Christ. La deuxième période commence à l'Epiphanie (6 janvier) et s'étend sur quarante jours, en souvenir des quarante jours que Jésus a passés au désert dans le jeûne. Enfin vient le carême, cette période de quarante jours qui précèdent et préparent la fête de Pâques. On retrouve donc à la fois l'idée de préparation et de purification avant les grandes fêtes, et l'imitation de Jésus-Christ, fondement de la vie chrétienne.

       Mais pourquoi les religieux en font-ils plus que les autres ? De même qu'ils prient pour les autres, ainsi font-ils pénitence pour leurs frères. Il existe une solidarité entre nous tous, comme c'est le cas dans une commune ; tous sont censés se dévouer au bien du village, mais certains se dévouent davantage, comme les conseillers municipaux, qui prennent sur leur temps pour cela.

       Au Moyen-Age, certains Ordres religieux étaient spécialement consacrés au rachat des prisonniers tenus en esclavage par les sarrasins. Tel est le cas de 1"Ordre de Notre Dame de la Merci (« merci », ici, veut dire rançon) et celui des Trinitaires, fondés au Xlllè siècle. Ils rassemblaient les sommes nécessaires et versaient la rançon. Ils s'engageaient à s'offrir eux-mêmes comme prisonniers, au besoin, pour la délivrance de leurs frères. C'est cette même solidarité qu'on retrouve dans l'ordre spirituel. Cela n'empêche pas chacun de mettre la main à la pâte, ou plutôt de serrer la ceinture de temps en temps !

       On voit que le temps de jeûne n'est pas lugubre mais épanouissant et capable de donner un surcroît de joie spirituelle et intérieure. Jésus lui-même nous l’a recommandé : « Quand vous jeûnez, ne prenez pas un air sombre » (St Matthieu, 6, 16).

       Après les quarante jours de préparation par le jeûne et les cérémonies du carême, l'Eglise fête la Résurrection du Seigneur pendant cinquante jours. Autrefois, le jeûne était interdit pendant toute cette période. De même en souvenir de Pâques, on ne jeûne jamais le dimanche. Ainsi, bien que la pénitence soit incontournable dans la vie chrétienne, la joie reste la note dominante.

       Après cette digression sur le jeûne[1], les derniers coups de cloche de l'Angélus terminent de sonner, et les religieux entrent au réfectoire pour le déjeuner.

 

PETITE CHRONIQUE ET FIORETTI

 

Décembre 2007. Ceux d'entre vous qui passent sur la route menant au cimetière de Villié ont pu apercevoir une « tache grise » parmi les clarisses circulant dans leur pré : c'est plutôt une lumière car c'est bien une postulante (dont l'habit est gris) qui est venue se joindre aux sœurs, maintenant donc au nombre de cinq.

31 décembre. Le Père Antoine se rend dans notre couvent du Gers pour la prise d'habit de deux frères.

2 février 2008. C'est au tour de frère Pierre de prononcer ses vœux perpétuels, qui l'engagent définitivement dans notre Ordre. Ainsi, en comptant nos frères du Gers, nous sommes à présent onze profès perpétuels. Les sept ans (ou plus) séparant l'entrée en religion et l'engagement à vie laissent le temps de mûrir la décision !

5 février. Il y a un an, la statue de la Vierge Pèlerine de Fatima avait été exposée sous le portique. C'est au tour de Notre Dame de Lourdes d'occuper pour quelques jours cette place d'honneur, à l'occasion du cent cinquantième anniversaire des apparitions.

8 mars. Frère Pierre reçoit le sous-diaconat, une des dernières étapes avant de devenir prêtre. Quatre autres frères gravissent chacun un échelon dans cette ascension.

 

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[1]  - Pour en savoir plus sur le jeûne, son histoire, son rôle, ses avantages, on peut consulter Aimer jeûner, par Adalbert de Vogué, moine de la Pierre-qui-vire, Editions du Cerf. Paris. 1988.

 

 

Couvent Saint-François

 Morgon

 69910 Villié Morgon

 

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